collection

— Rupture

12 € / 15.6 CHF

20 novembre 2012

130x200 cm

ISBN 978-2-940426-24-9

ISSN 1662-3231

Nous voulons tout

Nanni Balestrini

Nouvelle édition revue et augmentée

Roman traduit de l’italien par Pascale Budillon Puma

Postface d’Ada Tosatti + Lire

Du prin­temps à l’automne 1969, par­tant de la célè­bre usine turi­noise Fiat, la révolte ouvrière enflamme l’Italie et lance son cri de guerre contre la classe bour­geoi­se : nous vou­lons tout. C’est « l’automne chaud », moment fort de la longue vague révo­lu­tion­naire qui va secouer la pénin­sule au cours des années soixante-dix. Au centre des luttes trône la figure de l’ouvrier-masse, emblème de la rage, de la spon­ta­néité et de l’auto­no­mie ouvrière, qui affirme le refus du tra­vail et la des­truc­tion vio­lente du sys­tème d’exploi­ta­tion capi­ta­liste. Par une nar­ra­tion sans répit, en prise directe avec la réa­lité des révol­tes et la voix de ses pro­ta­go­nis­tes, Nanni Balestrini plonge au cœur de l’émergence lin­guis­ti­que et poli­ti­que de ce nou­veau sujet révo­lu­tion­naire, il fait enten­dre dans la chair même du texte le pas­sage de la rébel­lion ins­tinc­tive et indi­vi­duelle du pro­ta­go­niste à la dimen­sion col­lec­tive de la lutte. Expérimentation lit­té­raire, ancrage his­to­ri­que et puis­sance de l’ora­lité font de ce roman l’un des témoi­gna­ges les plus auda­cieux et vivants de la longue saison des révol­tes.

Nanni Balestrini est né à Milan en 1935. Membre du groupe des poètes d’avant-garde I Novissimi, il est parmi les fon­da­teurs, en 1963, du Gruppo 63. Il tra­vaille dans l’édition – comme direc­teur lit­té­raire chez l’éditeur mila­nais Feltrinelli de 1962 à 1972 – et aussi pour le cinéma et la télé­vi­sion. Il a dirigé les men­suels cultu­rels Quindici et Alfabeta. Plusieurs de ses romans ont été tra­duits en fran­çais.

Postface

Audacieuse expé­ri­men­ta­tion lit­té­raire, pam­phlet, manuel socio­lo­gi­que, ins­tru­ment de pro­pa­gande poli­ti­que, lors de sa paru­tion en 1971 le roman Nous vou­lons tout de Nanni Balestrini inter­pelle toute sorte de lec­teurs, des cri­ti­ques les plus exi­geants aux jeunes révo­lu­tion­nai­res1 et pro­duit l’effet d’une bombe dans le pano­rama cultu­rel et poli­ti­que de la pénin­sule. Aujourd’hui encore, il s’agit d’un texte incontour­na­ble pour qui­conque se penche – avec le regard de l’his­to­rien, du lettré, du mili­tant ou du non-spé­cia­liste – sur cette foi­son­nante et com­plexe saison de recher­ches et de révol­tes qu’ont été les années soixante-dix. Sa valeur docu­men­taire, la force et la nou­veauté poli­ti­que dont il est por­teur mais aussi la fécondité et l’inven­ti­vité lit­té­raire qu’il révèle, en font le roman sym­bole de la décen­nie soixante-dix, livre char­nière qui marque le début d’une phase poli­ti­que iné­dite et qui inau­gure une période de chan­ge­ments sub­stan­tiels dans la lit­té­ra­ture ita­lienne.

Lorsque Nous vou­lons tout paraît chez l’éditeur Feltrinelli, l’Italie tra­verse un des moments les plus riches et les plus tumul­tueux de son his­toire récente puis­que la géné­ra­li­sa­tion de la contes­ta­tion sur le ter­ri­toire natio­nal et la radi­ca­li­sa­tion de l’affron­te­ment poli­ti­que don­nent corps aux pro­jets révo­lu­tion­nai­res nés des mou­ve­ments de 1968. La vigueur et la durée des révol­tes ren­for­cent la convic­tion que les piliers mêmes de la société bour­geoise sont en train de s’écrouler, qu’il est en cours une phase révo­lu­tion­naire en mesure de ren­ver­ser l’ordre social exis­tant. Selon une spé­ci­fi­cité toute ita­lienne – due à l’impor­tance du cou­rant opé­raïste dans les années soixante et à l’ancrage des mili­tants dans les usines – la contes­ta­tion étudiante se double de mani­fes­ta­tions spon­ta­nées de la part des ouvriers.

C’est la période de la crois­sance expo­nen­tielle des mou­ve­ments d’extrême-gauche et de la cons­ti­tu­tion des grou­pes extra-par­le­men­tai­res, tels Lotta Continua ou Potere Operaio dont Balestrini a été l’un des fon­da­teurs avec Toni Negri, Sergio Bologna et d’autres. De mai à juillet 1969, à com­men­cer par l’établissement Mirafiori de Fiat et dans plu­sieurs usines du Nord de l’Italie, des grèves sau­va­ges non diri­gées par les syn­di­cats blo­quent la plu­part des ate­liers pour abou­tir à ce qu’on a appelé l’automne chaud. « Que vou­lons-nous ? Nous vou­lons tout ! » c’est le slogan redou­ta­ble­ment joyeux et arro­gant hurlé par les ouvriers le 3 juillet pen­dant la célè­bre révolte de corso Traiano alors que, sortis de l’usine de Mirafiori, ils mar­chent à la conquête de la ville de Turin.

Comme Balestrini le rap­pe­lait dans le cadre d’une série de confé­ren­ces orga­ni­sées en novem­bre 1971 par Potere Operaio2, Nous vou­lons tout illus­tre l’explo­sion de ces luttes ouvriè­res.

Né dans l’espoir de l’avè­ne­ment de la révo­lu­tion, c’est un livre qui a pour objec­tif de faire connaî­tre le nou­veau « sujet révo­lu­tion­naire » à l’ori­gine de ces lut­tes : « l’ouvrier-masse ». Suivant le récit à la pre­mière per­sonne du pro­ta­go­niste, le livre retrace le par­cours qui a conduit ce jeune méri­dio­nal à émigrer à Milan et à Turin en quête d’une meilleure qua­lité de vie. Les cinq cha­pi­tres de la pre­mière partie du livre (Le Sud, Le tra­vail, Le Nord, Fiat, La lutte) s’arti­cu­lent autour de motifs récur­rents : des expé­rien­ces de tra­vail alié­nan­tes, les stra­ta­gè­mes du per­son­nage pour éviter de tra­vailler, ses affron­te­ments avec les garants de l’auto­rité. En adop­tant une struc­ture qui évoque celle d’un roman de for­ma­tion, à tra­vers le cas exem­plaire du pro­ta­go­niste cette pre­mière partie éclaire les carac­té­ris­ti­ques prin­ci­pa­les de la caté­go­rie de l’ouvrier-masse : son ori­gine méri­dio­nale, son absence de pro­fes­sion­na­li­sa­tion, son inter­chan­gea­bi­lité, sa mobi­lité, le tra­vail à la chaîne. Mais aussi sa radi­ca­lité, son refus de la dis­ci­pline et du tra­vail, le spon­ta­néisme de sa rébel­lion, le recours à la vio­lence. Autant d’atti­tu­des qui déter­mi­nent indi­vi­duel­le­ment et comme type socio­lo­gi­que le per­son­nage et à tra­vers quoi il affirme son auto­no­mie de classe, sa volonté de s’empa­rer du pou­voir pour détruire l’État capi­ta­liste. C’est d’ailleurs dans l’usine par excel­lence, Fiat, que la révolte ins­tinc­tive du pro­ta­go­niste va pro­gres­si­ve­ment se trans­for­mer en cons­cience poli­ti­que jusqu’à en faire un des acteurs prin­ci­paux des luttes ouvriè­res du prin­temps 1969. Dans la seconde partie du livre, « à partir du moment où le per­son­nage com­prend la dimen­sion col­lec­tive du combat – comme l’a expli­qué Balestrini –, les choses dont [le roman] parle sont celles qui ser­vent à élucider les niveaux et les ins­tru­ments des luttes »3. Dès lors, les cha­pi­tres s’inti­tu­lent à ces dif­fé­rents niveaux et ins­tru­ments : le salaire, les cama­ra­des, l’auto­no­mie, l’assem­blée et l’insur­rec­tion. Autrement dit : le ter­rain sur lequel il faut se battre, le niveau d’orga­ni­sa­tion poli­ti­que mini­mum, la façon dont le mou­ve­ment se déve­loppe, la forme d’orga­ni­sa­tion de masse, et enfin la forme de la lutte.

Cette rapide pré­sen­ta­tion des conte­nus de Nous vou­lons tout témoi­gne à elle seule du chan­ge­ment que semble connaî­tre l’écriture bales­tri­nienne après 1968 et pour­rait expli­quer les réac­tions déso­rien­tées d’une bonne partie de la cri­ti­que ita­lienne à la paru­tion du roman4. L’auteur le plus radi­ca­le­ment for­ma­liste de la néo-avant-garde ita­lienne – celui-là même qui s’était attelé à une opé­ra­tion sys­té­ma­ti­que de des­truc­tion des normes lit­té­rai­res et lan­ga­giè­res par la liqui­da­tion de la figure de l’auteur5, par la mise en cause de la nar­ra­tion6, par la décons­truc­tion même du signe lin­guis­ti­que7 – était accusé de renier ses pré­cé­den­tes recher­ches expé­ri­men­ta­les et de faire du néo­réa­lisme après l’heure. Certes Balestrini, comme d’autres écrivains au len­de­main de 1968, était à la recher­che d’une pra­ti­que artis­ti­que et intel­lec­tuelle pou­vant par­ti­ci­per de l’élan révo­lu­tion­naire, d’une lit­té­ra­ture « faite par les masses et pour les masses »8. Il est néan­moins fon­da­men­tal de sou­li­gner que la dimen­sion de pro­pa­gande et la portée poli­ti­que de Nous vou­lons tout, ainsi que sa force et son ori­gi­na­lité, relè­vent de sa capa­cité à expri­mer, non seu­le­ment en termes de conte­nus mais avant tout dans la langue, l’esprit des mou­ve­ments contes­ta­tai­res de l’après-68. Balestrini, comme peu d’autres écrivains ont su le faire à la même époque, par­vient en effet à créer un lan­gage qui tra­duit for­mel­le­ment la sin­gu­la­rité du nou­veau phé­no­mène social
et poli­ti­que : la spon­ta­néité et la vio­lence de la lutte, son abso­lu­tisme, son carac­tère ano­nyme et col­lec­tif.

Rappelons tout d’abord une donnée essen­tielle, à savoir les maté­riaux dont est cons­ti­tué Nous vou­lons tout. Puisant direc­te­ment dans la réa­lité extra-tex­tuelle, Balestrini cons­truit son roman à partir d’inter­views faites à Alfonso Natella, un jeune ouvrier mili­tant de Potere Operaio qu’il avait ren­contré lors des grèves de Mirafiori. En uti­li­sant comme matière pre­mière du livre ces enre­gis­tre­ments, mais également la langue des tracts et des assem­blées, le pari qu’il tente (et gagne) est de pro­duire une œuvre lit­té­raire à partir de maté­riaux issus des luttes socia­les et qui conser­vent donc une valeur poli­ti­que effec­tive. En ce sens, Nous vou­lons tout est l’un des pre­miers textes de l’époque répon­dant à l’exi­gence d’une prise de parole de la part des clas­ses pro­lé­ta­rien­nes qui pas­se­rait aussi par la lit­té­ra­ture9.

Mais au moment même où Balestrini pri­vi­lé­gie un point de vue « interne au pro­lé­ta­riat »10 c’est en consi­dé­rant l’ouvrier-masse en tant que « sujet lin­guis­ti­que par­ti­cu­lier »11. En écrivain expé­ri­menté et en maître du col­lage tel qu’il a tou­jours été, c’est par un subtil tra­vail de réé­la­bo­ra­tion du flux oral et de mon­tage des frag­ments écrits qu’il réus­sit à pré­ser­ver la puis­sance com­mu­ni­ca­tive des maté­riaux employés et à repro­duire un « effet d’ora­lité ». Nous vou­lons tout est un « roman d’action » dont l’action se fonde prin­ci­pa­le­ment sur les formes du lan­gage et sur leur trans­for­ma­tion à l’inté­rieur de l’œuvre. Aussi, par exem­ple, l’idio­lecte même du pro­ta­go­niste est-il façonné par l’auteur – du point de vue de l’arti­cu­la­tion des conte­nus, de la syn­taxe et du rythme – pour en faire le reflet lin­guis­ti­que de ses convic­tions idéo­lo­gi­ques, bru­ta­les et irres­pec­tueu­ses peut-être, mais qui ont l’évidence d’un truis­me : le tra­vail est exploi­ta­tion et il faut s’en libé­rer par tous les moyens. De même, au fil du texte, la pro­gres­sion nar­ra­tive qui conduit le lec­teur du récit de l’his­toire per­son­nelle d’Alfonso à la chro­ni­que des luttes col­lec­ti­ves repose, elle aussi, sur une gra­duelle évolution du lan­gage. À tra­vers le pas­sage du « je » du nar­ra­teur au « nous » des tracts et des assem­blées, de la sin­gu­la­rité à la plu­ra­lité des voix, Balestrini par­vient à trans­met­tre l’énergie d’un mou­ve­ment poli­ti­que en pleine cons­ti­tu­tion, un mou­ve­ment dans lequel ce qui importe n’est pas l’indi­vidu en tant que tel mais l’émergence d’un sujet col­lec­tif. Enfin, au moment culmi­nant de la bataille de corso Traiano l’indi­vi­duel et le commun se fon­dent com­plè­te­ment lors­que le pro­ta­go­niste de rebelle soli­taire se trans­forme en « héros […] ou en « pala­din » de la Chanson de Roland »12 lut­tant à côté de ses cama­ra­des contre l’ennemi.

Redécouverte de l’ora­lité, dimen­sion cho­rale, désir de narrer les hauts faits d’une col­lec­ti­vité, Nous vou­lons tout peut cer­tai­ne­ment être consi­déré une chan­son de geste moderne, le poème en prose des années soixante-dix13. En réin­té­grant et en pro­lon­geant les for­mu­les de la néo-avant-garde, Balestrini pour­suit en réa­lité le renou­vel­le­ment des modè­les du roman tra­di­tion­nel et élabore une forme moderne de style épique qui carac­té­ri­sera non seu­le­ment ses romans à venir14 mais nombre d’autres textes nar­ra­tifs de la seconde moitié du ving­tième siècle.

Ada Tosatti

1. « Vogliamo tutto, le nou­veau roman de Nanni Balestrini, s’est vendu comme des petits pains. Les dames l’appré­cient, les étudiants le lisent, les hommes poli­ti­ques en dis­cu­tent, les hommes de let­tres l’étudient, les écrivains qui savent lire le res­pec­tent », Angelo Guglielmi, La let­te­ra­tura del ris­par­mio, Milan, Bompiani, 1973, p. 53.

2. N. Ba­les­trini, Prendiamoci tutto. Conferenza per un romanzo, let­te­ra­tura e lotta di classe, Milan, Feltrinelli, 1972.

3. Ibid., p. 14.

4. Nous ren­voyons au cha­pi­tre « Vogliamo tutto e la cri­tica » que Claudio Brancaleoni consa­cre à la ques­tion de la récep­tion de Nous vou­lons tout. Voir Il giorno dell’impa­zienza. Avanguardia e rea­lismo nell’opera di Nanni Balestrini, San Cesario di Lecce, Manni, 2009, p. 101-114.

5. Balestrini est l’un des pre­miers écrivains à réa­li­ser des poèmes à l’aide d’un cal­cu­la­teur électronique : « Tape Mark I » et « Tape Mark II », ini­tia­le­ment publiés dans L’Almanacco let­te­ra­rio Bompiani, Milan, Bompiani, 1962.

6. Il suffit de com­pa­rer la struc­ture de Nous vou­lons tout à celle du pré­cé­dent roman de Balestrini, Tristan, Milan, Feltrinelli, 1966 [pour l’édition fran­çaise, Seuil, 1972].

7. Voir les recueils de poèmes Come si agisce (Milan, Feltrinelli, 1963) et Ma noi fac­cia­mone un’altra (Milan, Feltrinelli, 1968).

8. N. Ba­les­tri­ni : « I nemici della poesia », in Quindici, n° 18, juillet 1969, p. 15.

9. Dans la pre­mière moitié des années soixante-dix dif­fé­ren­tes revues et jour­naux se font l’écho de l’émergence d’un nou­veau phé­no­mène lit­té­rai­re : la « lit­té­ra­ture sau­vage ». Cette appel­la­tion embrasse des œuvres dif­fé­ren­tes dont le déno­mi­na­teur commun est tou­te­fois la volonté de faire de la lit­té­ra­ture l’ins­tru­ment de l’expres­sion des caté­go­ries socia­les les plus assu­jet­ties : de renouer donc le dia­lo­gue entre la réa­lité et la lit­té­ra­ture.

10. Mario Lunetta : « Il carro armato della neoa­van­guar­dia. Intervista a Nanni Balestrini », Aut, mai 1972, p. 33.

11. Renzo Paris, Il mito del pro­le­ta­rio nel romanzo ita­liano, Milan, Garzanti, 1977, p. 163.

12. Claudio Brancaleoni, op. cit., p. 96.

13. Le pre­mier cri­ti­que qui a parlé d’un style épique pour l’œuvre de Balestrini et tout par­ti­cu­liè­re­ment pour la prose de Nous vou­lons tout a été Mario Spinella : « Le roman (ou « poème en prose ») est cons­truit par lais­ses nar­ra­ti­ves, ou stro­phes, d’une lon­gueur pres­que cons­tante […] Nous savons qu’il s’agit seu­le­ment d’une allu­sion, mais sou­vent, en lisant ce livre, la Chanson de Roland nous est venue à l’esprit, pour la com­po­si­tion et cer­tai­nes ana­lo­gies de ton » (« Balestrini : “Vogliamo tutto” », in Rinascita, n. 47, 26 ­no­vem­bre 1971, p. 37).

14. Nous vou­lons tout inau­gure une nou­velle voie de recher­che, liée au trai­te­ment de l’ora­lité dans le texte et au rendu lit­té­raire de la « langue parlée », que l’auteur déve­lop­pera prin­ci­pa­le­ment dans ses œuvres écrites après les années quatre-vingt, comme Gli invi­si­bili (Milan, Bompiani, 1987), I furiosi (Milan, Bompiani, 1994) ou Sandokan. Storia di camorra (Turin, Einaudi, 2004).